Le séchage des feuilles de tabac

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Le séchage des feuilles de tabac

Traditionnellement, les feuilles de tabac sont récoltées et séchées de différentes manières en fonction de leur variété et des caractéristiques souhaitées. Mais le séchage des feuilles de tabac ne consiste pas seulement à les déshydrater. C'est un processus délicat et plus ou moins long qui permet non seulement la dessiccation des feuilles mais surtout, par la maîtrise des transformations biochimiques naturelles, de définir les qualités, l'arôme et le goût du tabac obtenu .

Vertes, les feuilles de tabac contiennent des sels minéraux et près de 90% d'eau, puisés dans le sol par les racines et utiles au fonctionnement des cellules de la plante. Elles contiennent également de la chlorophylle qui leur donne leur couleur verte et qui, par la photosynthèse, transforme le gaz carbonique en sucres simples, qui se combineront en sucres plus complexes comme l'amidon.

Feuilles de Virginie prêtes à être séchées

Après avoir été récoltées, les feuilles ne sont plus alimentées en eau, ni en minéraux, et commencent leur dessiccation, en différentes phases successives :

  1. Le jaunissement : Le fonctionnement de la chlorophylle est stoppé. Celle-ci se dégrade alors progressivement et les feuilles perdent leur couleur verte, laissant apparaitre peu à peu la couleur jaune de certains pigments (carotène, xanthophylle, ...).
    Les cellules des feuilles étant toujours vivantes à ce stade, elles continuent de se nourrir, de respirer et de transpirer. L'eau évaporée ne pouvant plus être compensée par les racines, les feuilles flétrissent. Pour s'alimenter, les cellules transforment l'amidon en sucres, dont la teneur augmente rapidement. Les protéines des feuilles sont également dégradées en acide aminés et en ammoniaque.
  2. La fixation de la couleur : Cette phase consiste à déshydrater rapidement le limbe des feuilles, souvent grâce à de la chaleur, afin de stopper l'activité cellulaire, fixer la couleur jaune et empêcher la dégradation des sucres.   
  3. Le brunissement : Au contact de l'air et de l'humidité, les pigments jaunes et les composés tanniques issus de la transformation lente des tissus s'oxydent. Les feuilles prennent une couleur brune. Les cellules se déshydratent lentement et meurent après avoir épuisé leurs réserves de sucres.
  4. La réduction des côtes : Le limbe des feuilles est désormais sec mais les tissus épais de la nervure centrale contiennent encore de l'eau. Cette phase consiste donc à poursuivre le séchage des feuilles jusqu'à la déshydratation complète de leurs nervures centrales.

En faisant varier les conditions et les durées de ces différentes phases, il est ainsi possible d'ajuster les caractéristiques du tabac obtenu, notamment ses taux de sucre et de nicotine, sa saveur, etc., en fonction de sa variété et de l’utilisation que l'on veut en faire (tabac pour cigarettes, cigares, pipes, chichas, à chiquer, à priser).

Traditionnellement, il existe ainsi quatre types de séchage du tabac de par le monde, deux « naturels » : à l'air libre et au soleil ; et deux « artificiels » : au four et au feu.

Le séchage à l'air (air-curing)

Séchage à l'air de feuilles de tabac dans une grange en Dordogne
Un séchoir à tabac traditionnel en Dordogne © Henk Monster, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

Traditionnellement, ce type de séchage à l'air naturel a lieu dans de grandes granges couvertes, les fameux séchoirs à tabac, dans lesquelles sont suspendus soit les plants de tabac entiers (cas du Burley par exemple), soit les feuilles seules (cas des tabacs cubains par exemple) et dont l'hygrométrie et la température sont « régulées » en ouvrant plus ou moins les aérations, portes et fenêtres des séchoirs.

Séchage à l'air de feuilles de tabac dans une grange à Pinar Del Rio
Séchage à l'air de feuilles de tabac dans une grange à Pinar Del Rio © Gorupdebesanez, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Aujourd'hui, il a souvent lieu de manière industrielle, dans des granges aérées par ventilateurs et dans des conditions de température et d'humidité constantes et contrôlées.

C'est un processus durant environ deux mois, demandant une surveillance constante et visant à maintenir la feuille vivante le plus longtemps possible afin que l'ensemble des transformations biochimiques naturelles puissent avoir lieu. Les feuilles ne doivent en effet sécher ni trop vite (risque de sécher encore vertes), ni trop lentement (risque de moisissures).

Les feuilles jaunissent tout d'abord pendant une dizaine de jours, idéalement à une température située entre 20 et 30°C et une hygrométrie supérieure à 80%.

Lors du séchage à l'air, la couleur des feuilles n'est pas fixée et les feuilles poursuivent leur lente dessiccation naturelle. Pendant 20 à 25 jours, les tissus meurent, épuisent leurs réserves en sucre, s'oxydent et acquièrent lentement leur belle couleur brune.

Lorsqu'un maximum de sucre a été éliminé, la phase de réduction des côtes peut commencer, pour une durée de 20 à 25 jours et jusqu'à ce que les nervures centrales soient bien sèches et cassantes.

Au final, le séchage à l'air permet d'obtenir des tabacs bruns libérant facilement leurs arômes délicats et prononcés, avec des taux de sucre très bas et des teneurs en nicotine élevées.

Cette méthode est souvent employée pour sécher des variétés de tabac telles que notre Burley (cigarettes, pipes), le Maryland (pipes) et la majorité des tabacs à cigare, ainsi que pour les tabacs à chiquer ou à priser.

Le séchage au soleil (sun-curing)

Séchage au soleil de feuilles de tabac
Séchage au soleil de feuilles de tabac à Andhra Pradesh © PJeganathan, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

À la différence du séchage à l'air lors duquel le tabac est placé à l'intérieur de granges, lors du séchage au soleil, le tabac est laissé à l'extérieur, en plein soleil. Il n'est donc employé que dans des pays où le climat le permet, principalement en Turquie, en Grèce, en Bulgarie, en Roumanie, ainsi que les pays méditerranéens et moyen-orientaux.

Plus rapide car ayant lieu à des températures plus élevées et des humidités moindres que le séchage à l'air, ce type de séchage au soleil permet d'obtenir des tabacs de couleur plus claire, très aromatiques et ayant des teneurs moyennement élevées en sucre et en nicotine.

Ces tabacs dits « orientaux », comme notre Oriental Samsoun, sont fréquemment utilisés pour rehausser la saveur des mélanges de tabac pour cigarettes, pipes et chichas.

Le séchage au four (flue-curing)

Séchage au four de feuilles de tabac
Four à tabac © Adesco

Lors du séchage à air chaud, les feuilles de tabac sont placées sur de grands peignes dans des fours ou des granges chauffées.

La température et l'hygrométrie sont rigoureusement contrôlées, souvent de manière plus ou moins automatique, lors de chaque phase du séchage, afin d'éviter que les feuilles sèchent trop vite (encore vertes) ou trop lentement (pourriture, moisissures) ou que les sucres de dégradent (chaleur trop faible) ou caramélisent (chaleur trop forte). Ainsi, le taux d'humidité dans le four doit diminuer à mesure que la température augmente progressivement, par palier plus ou moins longs.

Le jaunissement des feuilles s'effectue en quelques jours par un chauffage lent du four jusqu'à une température d'environ 40°C.
La couleur jaune et le taux de sucres des feuilles sont ensuite fixés en stoppant l'activité des cellules par une augmentation de la température jusqu'à 55°C pendant quelques jours.
Aucune phase de brunissement n'a donc lieu et le séchage est terminé par la réduction des côtes à une température de 70°C environ.
Trop sèches pour être manipulées, les feuilles sont ensuite un peu réhydratées.

L'ensemble du processus dure environ une semaine, souvent poursuivi par un repos et une fermentation de plusieurs semaines destinés à éliminer l'ammoniaque resté prisonnier des feuilles à cause de la rapidité de leur séchage.

Ce type de séchage est utilisé notamment pour le Virginie et permet d'obtenir des tabacs avec une haute teneur en sucres et un faible taux de nicotine, des tabacs utilisés principalement comme tabac de remplissage dans les cigarettes pour leur acidité réduisant les effets de picotement de la langue, leur goût doux et léger et leur bonne combustion.

Le séchage au feu (fire-curing)

Séchage au feu de feuilles de tabac
Séchage au feu de feuilles de tabac © Brian McCord / Journal Communications (www.TNagriculture.com), via Jepson Family Farm

Pour ce type de séchage, le tabac n'est plus placé dans un four à chaleur indirecte mais dans une grange fermée, directement au dessus de feux de bois durs, d'où son nom. Le tabac est ainsi fumé tout en séchant, comme sur un barbecue.

La durée du séchage peut varier de quelques jours à quelques semaines en fonction du tabac et du processus employé.

Le tabac obtenu est très foncé, avec un aspect huileux et un goût fort et très prononcé, notamment de feu de bois, peu de sucre et une forte teneur en nicotine.

Il est souvent employé pour sécher des variétés de tabac telles que notre Kentucky et le Latakia, utilisés pour rehausser l'arôme de mélanges de tabacs à pipes, à chiquer ou à priser.

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